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Le dressage du boeuf (poème de Kuo An Zhe)

L'être humain cherche le boeuf sur lequel il est juché sans le savoir, c'est-à-dire qu'il cohabite à son insu avec une partie de lui même qui lui est cachée : c'est elle que l'on peut appeler sa nature propre de Bouddha.

Les tableaux du dressage du bœuf ont été élaboré pour la première fois en Chine il y a plus de huit siècles. Les disciples du Zen les consultent comme une carte fiable du cheminement vers l'éveil, et les maîtres du Zen s'en servent pour instruire et inspirer leurs disciples.

Ces tableaux décrivent les étapes progressives que l'adepte Zen franchit sur le sentier. Elles commencent par la recherche du bœuf (c'est-à-dire la véritable nature de l'adepte) et se termine par la libération complète, personnifiée par le bodhisattva...

Rechercher

Première partie du poème : à la recherche du boeuf

« Seul dans le pays sauvage, perdu dans la jungle, il cherche, il cherche. Eaux bouillonnantes montagnes lointaines, cheminement sans fin.épuisé désespéré il ne sait où aller, il n'entend dans le soir que le chant des cigales dans le bosquet d'érable. »

Commentaire : L'être humain erre dans la forêt la corde à la main.

On recherche la satisfaction dans sa vie, mais l'on ne parvient pas à la trouver aux endroits habituels comme le travail, au travers des relations, de la famille ou des objets matériels. Comme on ne connait pas sa véritable nature, on ne sait pas où chercher.

Découvrir

Deuxième partie du poème : Découvrir les empreintes

« Il a vu d’innombrables empreintes de pas dans la forêt et au bord de l’eau. Voit-il là-bas l’herbe foulée ? Même les plus profondes gorges des plus hautes montagnes ne peuvent cacher le museau de ce Boeuf qui se dresse vers le ciel. »

Commentaire : La vision d'empreintes : l'être humain suit les empreintes du bœuf.

On nous a présenté l'enseignement du Zen et désormais on sait où chercher pour trouver sa véritable nature. On est sur la piste par la pratique de la méditation, mais l'on a pas encore vu le bœuf de ses propres yeux.

Percevoir

Troisième partie du poème : Percevoir le bœuf

« Sur une branche, un rossignol perché chante à plein gosier. Chaud soleil brise apaisante. Au bord de l'eau des saules verts. Le Bœuf est ici, c'est lui. Il ne se cache point.
Sa tête superbe ornée de cornes majestueuses. Quel peintre saurait l'esquisser ? »

Commentaire : Le bœuf est aperçu : on entrevoit sa véritable nature mais elle s'est encore flou\nOn a sa première vision directe, ou kensho. Maintenant, on est sûr que le bœuf de la vraie nature est partout et qu'il s'exprime en toute chose. Mais malgrès cette prise de conscience, on est encore loin d'en faire son compagnon de tous les instants.

Capturer

Quatrième partie du poème : Capture du bœuf

« Avec toute la force de son être, l'homme a fini par attraper la Bête Sauvage, puissante indomptable. Qui par moments fait mine de se calmer. Et voici qu'elle s'échappe et se perd dans la brume impénétrable d'une passe de la montagne. »

Commentaire : on tient attaché par une corde le bœuf qui résiste.

On est conscient de sa nature à tout moment et dans chaque situation. Malgré cette conscience de tous les instants, notre esprit continue à être turbulent et indiscipliné. Il doit se concentrer pour ne pas se laisser distraire.

Dresser

Cinquième partie du poème : Dressage du bœuf

« L'homme ne lâchera plus désormais ni le fouet ni la longe, de peur que la Bête ne s'enfuie vers un territoire inextricablement souillé. Attentivement dirigé , le Boeuf se montre franc et docile. Alors sans chaîne, sans attache, il suit de lui-même le bouvier (gardien du troupeau). »

Commentaire : On s'installe dans le vécu de notre nature véritable, au point que nos pensées ne nous distraient plus car l'on se rend compte qu'il n'y a qu'une seule expression de notre nature fondamentale.\nLe dressage du bœuf : on mène le bœuf docile à la corde, l'esprit s'apaise et le doute disparaît.

Cheminer

Sixième partie du poème : L'accompagnement du bœuf à la maison

« A califourchon sur la Bête, voici l'Homme tranquille qui chemine vers la maison. Dans le brume du soir. Au loin le son d'une flûte. Il chante un air en mesure. Son cœur est plein d'une joie indicible.
Ce qu'il est à présent, ceux qui le savent doivent-ils le dire ? »

Commentaire : Le retour sur le dos du bœuf : on joue de la flûte assis sur le dos du bœuf.

Plus on avance dans la pratique, plus on se rend compte qu’elle est source de joie et de créativité. En se libérant progressivement de ses attachements qui engendraient tant de tensions, on sent jaillir le rire à l’intérieur de soi. On commence à se prendre moins au sérieux et à jouir davantage de la vie, car on s’ouvre à son caractère changeant.

Transcender

Septième partie du poème : Le boeuf est transcendé

« Monté sur la Bête il a atteint la maison. Le Bœuf a disparu effacé, à jamais absent. L'Homme serein assis tandis que le soleil est déjà haut dans le ciel, reste là calme à rêver. Sous le toit de chaume sont remisés la longe et le fouet désormais inutiles. »

Commentaire : Jusqu’ici on avait le sentiment d’avoir quelque chose à faire, une pratique à suivre. Il existait une séparation entre soi et la pratique. Ce dualisme séparait le spirituel du non-spirituel. A ce stade, on fusionne avec la pratique. Ce n’est plus une activité particulière. Elle ne se cantonne plus à la position assise sur un coussin posé dans une pièce particulière. Tout devient méditation.